Concurrente de l'Hermione

Dès l’aube, un pâle soleil de mars m’avait tirée d’une nuit agitée où je rêvais de lecteurs affamés, se jetant sur mes livres avec gourmandise. La journée s’annonçait printanière, la première depuis plusieurs semaines où j’avais grelotté sous la cœuret à cause d’une méchante grippe. Le renouveau palpitait sous les branches dénudées des arbres et les premières jonquilles pointaient leurs corolles d’un jaune insolent à en faire pâlir le plus bel arc-en-ciel.

Je me réjouissais de participer au Salon du Livre Féminin de La Rochelle. Ma meilleure amie s’était proposée de m’y accompagner. En ce 8 mars, journée internationale de la Femme, c’était de bonne augure… mais comment lutter contre la belle Hermione ?

La silhouette de la frégate se dessinait sur l’azur d’un ciel profond comme une nuit d’été. Elle semblait attendre l’heure du départ, impatiente de gonfler ses voiles sous le vent et de partir à la conquêt de l’Amérique comme Lafayette il y a plus de deux siècles. Les badauds n’avaient d’yeux que pour elle.

A quelques encablures de là, j’attendais, ainsi qu’une cinquantaine d’auteurs, que des lecteurs, un peu plus curieux que d’autres, poussent la porte de l’Oratoire. Ils sont venus très timidement, se sont penchés sur nos livres, les ont feuilletés, nous ont encouragées… mais sont repartis les mains vides pour la plupart. Mon témoignage sur la SLA (ou maladie de Charcot) les a interpellés, bousculés, parfois effarouchés... ils n'ont pas osé aller plus loin dans la lecture de "Souris à la vie" et "Les quatre saisons de Mia".

Ce soir, je m’interroge : est-ce bien raisonnable de s’accrocher à un rêve déraisonnable ? Je devine, je sens tout au fond de moi que je suis à la croisée de deux chemins. La Vie m’a conduite jusque là, sans que j’en ai vraiment conscience. Il est peut-être temps que j'avance en laissant la SLA derrière moi. S’il m’est donné de le faire, j'en parlerai volontiers mais je n’en provoquerai pas systématiquement l’occasion ... je laisserai la Vie en décider.